La porte aux fers à cheval de la collégiale St-Martin
Réalisé à l’extrême fin du XIIe ou au tout début du XIIIe siècle, l’élégant portail en plein cintre qui s’ouvre sur le flanc sud de l’église collégiale Saint-Martin à Chablis abrite un chef d’œuvre unique en France. Il s’agit des portes en bois ornées d’une part de superbes pentures en fer, d’origine, et d’autre part d’une centaine de fers à cheval qui y ont été cloués.
Longues lames de métal horizontales destinées à assurer la cohésion des planches qui composent la porte, les pentures, ornées de motifs gravés, se terminent ici en larges volutes, rinceaux et figures géométriques. Ce sont de véritables chefs d’œuvre de l’art du fer forgé du Moyen Âge.
Quant aux 110 fers à cheval, ils constituent l’originalité surprenante de cette porte. On ne sait hélas les dater avec certitude, mais il se pourrait qu’ils remontent pour partie au XVIe siècle. La question reste la suivante : pourquoi clouer ces fers à la porte de l’église collégiale ?
Les anciens ont bien tenté d’y répondre; pour certains, il s’agissait des vestiges de la célèbre bataille qui, en 841, opposa les trois petits-fils de Charlemagne, Louis, Charles et Lothaire. En effet, le site de « Fontenoy », lieu de la terrible rencontre, avait été assimilé au site de la commune de « Fontenay-près-Chablis ». La thèse n’a pas eu de succès. Pourquoi accrocher les fers des chevaux des combattants à la porte de l’église de Chablis, d’ailleurs bâtie plusieurs siècles après ? Et surtout, les historiens ont identifié le lieu véritable de la bataille, à savoir Fontenoy-en-Puisaye.
Cherchons ailleurs la réponse. En Espagne, l’église catalane de San Marti (St-Martin) de Cassà del Pelràs conserve en place une porte ornée d’une dizaine de fers à cheval. En France, les archives font mention d’une porte identique à l’église St-Martin d’Herblay (Val-d’Oise), encore visible au XVIIIe siècle. Il devient alors évident qu’il s’agit d’un rituel associé au culte de saint Martin.
Martin, officier de la cavalerie romaine au IVe siècle, converti puis missionnaire, mourut évêque de Tours. En 397. Il fut ensuite honoré du titre d’« Apôtres de Gaules ». Son passé de cavalier en a fait le protecteur des chevaux, pour la protection ou la guérison desquels il était invoqué.
Reste le cas de la porte aux fers partiellement conservée au Musée Unterlinden de Colmar ; or, il s’avère qu’elle provient de l’ancienne église St-Georges ; et saint Georges est, tout comme saint Martin, un saint cavalier…
Reste que la porte de St-Martin de Chablis demeure le dernier exemple de cette dévotion en place en France et mérite à ce titre toute notre attention.