Les courses vélocipédiques à Chablis

Les courses vélocipédiques à Chablis

A Chablis, à la fin du 19ème siècle, la fête patronale de la Saint-Pierre était très prisée. Les festivités avaient lieu le dimanche et le lundi le plus proche du jour anniversaire du saint, les derniers jours de juin ou les premiers jours de juillet. Le lundi matin était réservé à une messe célébrée exceptionnellement dans l’église Saint-Pierre et l’après-midi consacré à diverses réjouissances au Pâtis pour tous ceux qui n’avaient pas « la gueule de bois » ; la veille ayant souvent été un peu chargée… Les ouvriers vignerons avaient droit traditionnellement à un jour chômé. Cette tradition perdura jusque dans les années 1960. La remise des prix des écoles était un moment particulièrement attendu par les élèves méritants ayant droit, en plus des célèbres livres à la couverture rouge de Robinson Crusoé ou des voyages de Gulliver offerts par la Ville, à des tours gratuits de chevaux de bois, remplacés bien plus tard par les autos-tamponneuses.

L’après-midi du dimanche 2 juillet 1893 fut consacré à quatre courses vélocipédiques, (comme l’on disait alors). Elles étaient organisées par la municipalité.

Les « machines de course » : La première course était réservée aux « machines » munies de « caoutchouc pleins et creux ».  Si les premières ne craignaient pas la crevaison, on pouvait néanmoins douter d’un certain confort, le caleçon de l’époque n’amortissant pas la dureté de la selle sans ressorts de la « machine » …

Les épreuves étaient « courues sur un circuit formé de trois fractions de 600 mètres, formant triangle d’environ 600 mètres chaque fraction ».

Le parcours :  le départ avait lieu au quartier de la Maladière, au pied des vignes des Clos, près du Château Grenouille. La course commençait au carrefour de la route de Maligny,  puis empruntait à gauche la rue de l’Orme (ancienne rue des Tanneries, devenue aujourd’hui l’avenue Jean-Jaurès), longeait le pré de l’Orme (ancien terrain de camping) devenu le Parc de la Liberté. Au pont, tournait à gauche pour emprunter la chaussée Saint-Sébastien devenue par la suite l’avenue de la Maladière (l’avenue d’Oberwesel aujourd’hui), prenait à gauche pour longer la route au bas des vignes des Clos et arrivait enfin au point de départ.

Les prix attribués : Les vainqueurs se voyaient remettre plusieurs prix en argent, en bouteilles de Chablis ou de champagne et même en caisses de biscuits « Duché ».

Les lots en bouteilles de Chablis millésime 1884 prouvaient s’il le fallait encore que ce vin sélectionné vieux de neuf années était toujours reconnu pour sa longue conservation comme le précisait aux moines de Pontigny,  le seigneur le Montréal  en 1186.

courses vélocipédiques affiche 1893 Chablis
Chablis en fête

Chablis en fête

A la fin du 19ème siècle, poussés par leur maire Jules Folliot, (il fut le président du conseil général de l’Yonne), les habitants de Chablis organisaient de grandes réjouissances le jour de la fête patronale de « la Saint-Pierre ». Pendant ces quelques jours de festivités, les vignerons chablisiens oubliaient les ravages du terrible insecte, le phylloxéra qui anéantissait inexorablement depuis quatre ans déjà toutes leurs vignes…

Le dimanche après-midi, la fête battait son plein. De nombreux chars tirés par des chevaux (d’où le nom de cavalcade) étaient pompeusement décorés. Chaque association ou quartier rivalisait d’imagination, d’ingéniosité, et, c’est à qui ferait le plus beau, le plus haut, le plus remarqué.

1 siècle après la Révolution française, la cavalcade du 30 juin 1889 dépassa toutes les autres, en particulier et pour cause, le char de la tour Eiffel, réplique un peu moins haute que celle inaugurée exactement 4 mois plus tôt à Paris sur le Champ de Mars lors de l’exposition universelle. La tour chablisienne dépassait quand même les 20 mètres, un immeuble de six étages ! un seul cheval tirait l’ensemble.

Après avoir emprunté de nombreuses rues de la cité, les chars finissaient leur parcours au Pâtis où le cortège se disloquait près du jeu de paume fréquenté par de nombreux chablisiens.

En soirée, une grande fête avait lieu avec bal, illuminations et une farandole aux flambeaux  animée par les figurants de la cavalcade, revêtus de leurs costumes couronnait le tout.

Deux trains supplémentaires de nuit permettaient à tous les participants de la vallée du Serein de pouvoir faire la fête jusqu’à plus de minuit et pour ne pas « louper le tacot »,  une salve d’artillerie était tirée au Pâtis vingt minutes avant le départ de chaque train ! Malgré ces avertissements, beaucoup sans doute rentraient à pied chez eux « au p’tit jour… »

affiche cavalcade 1889 Chablis

Commentaire sur la photo de la cavalcade en 1889 :

Il n’y avait pas encore le monument aux Morts sur la place.

A l’arrière-plan, derrière les chars, à gauche, on aperçoit la maison du maire Jules Folliot, décorée de nombreux drapeaux tricolores. Au centre, on devine l’ancienne biscuiterie Mottot. On imagine la hauteur et la solidité de la tour Eiffel au nombre des personnes juchées jusqu’à 10 mètres au-dessus du sol. Elle était tirée par un seul cheval, on aperçoit les limons posés sur le sol.

Le char de la musique est au centre. On devine sur le devant du char « Les Enfants de Chablis ». On aperçoit en haut une lyre. Le char byzantin reconnaissable par ses coupoles caractéristiques est à droite. Les charretiers devaient être bien adroits pour faire passer dans les rues parfois pavées, ces imposantes décorations. Quelques années plus tard, la hauteur des chars fut revue à la baisse, les fils électriques et télégraphiques barrant le passage…

Cavalcade Place Lafayette 1889 Chablis
Un théâtre à Chablis

Un théâtre à Chablis

En 1886, la ville de Chablis effectue des travaux dans les bâtiments de l’hospice, (l’ancien Hôtel-Dieu) pour y installer un théâtre dans une grande salle occupée depuis 1874 par l’école maternelle tenue par des religieuses ursulines. Inaugurée au mois de septembre 1887, de nombreux chablisiens se souviennent encore des confortables fauteuils en velours rouge et des strapontins où l’on se pinçait les doigts !

La scène était adossée à l’ancienne chapelle dédiée à saint Jean Baptiste.

De nombreuses pièces de théâtre amateur seront jouées pendant la première et la deuxième guerre mondiale afin de récolter des fonds pour envoyer des colis aux soldats et aux prisonniers.

En fin d’année, les élèves des écoles présentaient des spectacles et cela jusque qu’à la fin des années 1970.

Un balcon appelé « le poulailler » était convoité par les jeunes chablisiens qui,  tapant sur le dessus du garde-fou garni de velours soulevait un nuage de poussière !

La salle du théâtre servait également aux répétitions et concerts de la fanfare,  aux réunions publiques souvent animées lors des campagnes électorales. On raconte que lors de l’une de ces réunions un vieux chablisien croyant bien faire avait déclaré debout à l’assemblée : « moi, j’suis siphylo » assurant ainsi être un proche du parti politique S F I O ! (devenu le parti socialiste). Suite à cet aveu, toute la salle fut pliée de rire ! C’était le bon temps des réunions électorales de l’époque dans les villages où les gens venaient plus pour rigoler que pour savoir pour qui voter !

Depuis 1985, les bâtiments appartiennent à la SCI de l’Hôtel-Dieu de Chablis  qui les loue à un restaurateur chablisien.

Théâtre Chablis programe
Théâtre Chablis programe
La fête de la Saint-Vincent autrefois à Chablis

La fête de la Saint-Vincent autrefois à Chablis

Depuis le début du 20ème siècle et jusqu’à la fin des années 70, on fêtait à Chablis saint Vincent, saint patron des vignerons, chacun de son côté. Il y avait alors « la religieuse » et la « civile ».  Chaque comité envoyant une invitation à participer à la fête célébrée du 21 au 23  janvier. Certaines « agapes » commençant la veille du jour « J » et d’autres plus traditionnelles ayant encore lieu le lendemain…

« La Religieuse »

Les confréries de Saint-Vincent, fondées sur la solidarité, l’entraide aux vignerons dans l’incapacité d’effectuer leurs travaux dans les vignes ou à la cave sont à l’origine des confréries de Saint-Vincent. Les premières apparaissent en Bourgogne au 18ème s. mais se développent surtout au 19èmesiècle.

Chablis n’échappe pas à la règle. Dès les années 1800 une confrérie voit le jour. Une fondation perpétuelle pour célébrer la fête de Saint-Vincent remplaçant la confrérie a été fondée en 1857 par 380 vignerons et habitants sympathisants. Un bureau était constitué pour son organisation. Deux messes étaient dites autrefois, le 22 janvier à la collégiale et le lendemain à l’église Saint-Pierre pour une célébration de la messe des morts à la mémoire des membres défunts de la confrérie. La bannière de la confrérie fut remise par l’ancienne confrérie à la nouvelle fondation en 1863. La vieille bannière retrouvée par M Robert Fèvre dans un grenier en 1933 fut restaurée l’année suivante par l’historien chablisien Louis Bro.

Pendant l’office, le curé bénissait le pain brioché, partagé après la communion et à la fin de la messe autour d’un verre de Chablis sur le parvis de la collégiale ou au fond de la nef, suivant les caprices du temps. Sur inscription, on pouvait commander des brioches que le curé avait bénit.  Un défilé avait lieu dans la ville accompagné par quelques musiciens. Un repas en commun était pris ensuite pour ceux qui le souhaitaient dans un restaurant chablisien. Le soir un grand bal était organisé. Cependant tous ceux qui avaient assisté à la « civile » étaient « mis à la porte » nous rapporte le registre des délibérations et de la comptabilité tenue à partir de 1857 jusqu’ en 1956 où l’historien-vigneron Robert Fèvre, secrétaire de l’association depuis 1934 notait : « commander du pain béni suffisamment et bon ». Le curé avait sans doute été faire une première bénédiction de la pâte avant cuisson  chez le boulanger…

Saint-Vincent devant la collégiale Chablis
fête Saint-Vincent civile 1934

« La civile »

« La civile » a été créée au début du 20ème s. La constitution de la Société de la Libre Pensée du canton de Chablis en 1881 alimentait alors un fort courant anticlérical. La loi de la séparation des Eglises et de l’Etat promulguée en 1905 divisa les vignerons de Chablis en deux camps radicalement opposés. Pour une grande partie d’entre eux, le buste de Marianne devait remplacer la statue de Saint-Vincent lors du défilé. La fête s’adressait alors aux « citoyens vignerons et travailleurs chablisiens. » Evidemment il n’y avait pas d’office religieux.

Le comité élisait chaque année un nouveau président. Deux jeunes vignerons parcouraient les rues avec sur un brancard un petit sapin décoré aux couleurs de la République et le buste de Marianne rappelait le symbole républicain.

Tous les participants se retrouvaient devant le domicile du président qui prononçait un discours souvent folklorique …puis invitait tous les participants « à boire un coup » dans sa cave, ou sur des tables installées au bord de la rue. Ce vin d’honneur était accompagné par les fameux biscuits « Duché ». La fanfare accompagnait cette troupe joyeuse. Tous ceux qui en avaient les moyens se retrouvaient ensuite pour aller « gueultonner » dans l’un des cafés-restaurants sélectionnés à tour de rôle. Le soir un bal clôturait la journée qui se terminait souvent en bagarre les esprits s’étant quelque peu échauffés !

Le lendemain, une tradition consistait pour les jeunes vignerons à « courir la poule ». Souvent déguisés, tapant sur un tambour, soufflant dans un clairon, faisant peur aux gamins, ils parcouraient les rues avec un « manequin », (une grande corbeille profonde en osier) remplie de branches le laurier et donnaient, moyennant quelques petites pièces, un bouquet de laurier décoré d’une rose en papier crépon à la cuisinière de la maison. Avec la somme récoltée les jeunes allaient ensuite faire la fête dans les bistrots.

Depuis la création en 1966, par Me Sotty de la Saint-Vincent Tournante du Chablisien, la  « civile » n’existe plus et la « religieuse »  devenue  la « locale »  a bien du mal à rassembler les fidèles, préférant sans doute celle rassemblant maintenant les vingt villages du chablisien.  

Dans la tourmente révolutionnaire la rue Saint-Vincent située entre la rue des Juifs et la rue Rampont-Léchin fut débaptisée en rue Marat. Grâce au comité de la Saint-Vincent « locale », elle a repris son ancien nom en 1984.

Église Saint-Pierre

Église Saint-Pierre

Située au sud de Chablis, dans la ville haute.

Sa construction daterait de la fin du XIIe siècle. (Époque charnière roman-gothique).

Son histoire débute par une hypothèse.

Une première église appelée Sainte-Marie de Charlemagne aurait été construite sous Charles-le-Chauve, au IXe siècle, puis appelée église Notre-Dame du Rosaire, tout près de l’église actuelle.

Le plan initial montre une nef à trois vaisseaux, qui subsistent à ce jour.

Plan initial église Saint Pierre Chablis
Eglise Saint-Pierre Chablis

Au XVIe siècle, le chœur et le sanctuaire ont été reconstruits.

Cette nouvelle construction était désaxée par rapport à la nef.

Au XVIe siècle, un passage est créé dans le mur sud, dans la première travée, donnant accès à l’église Notre-Dame-du-Rosaire.

En 1726, la flèche de la croisée du transept s’effondre sur le chœur.

Clocher église Saint Pierre Chabls
Plan actuel de l'église Saint Pierre

L’église Saint-Pierre résista à l’invasion des huguenots en 1568, malgré la destruction totale du faubourg c. a. d. de la ville haute.

Entre 1732 et 1748, reconstruction du clocher actuel

Le nouveau clocher église Saint Pierre Chablis
1160 : Construction de l’église St-Pierre.

Cette église, ou plutôt cette chapelle, vendue comme bien national le même jour que l’église Saint-Pierre, fut quant à elle complètement démolie.

On n’en trouve aucun plan. Sa représentation et son emplacement nous sont précisés sur la gravure d’une vue de Chablis réalisée par Israël Sylvestre en 1650.

Gravure d'Israël Sylvestre

Cette église, ou cette chapelle, a été désignée au moins par cinq appellatifs :

  • L’église Sainte-Marie de Charlemagne
  • La chapelle Notre-Dame du Rosaire
  • La petite église
  • La petite église Notre-Dame
  • La chapelle de la Vierge.

A partir de la Révolution française, on en sait un peu plus.

Pour connaître les dimensions exactes de la chapelle du Rosaire, il faudra attendre l’affiche officielle proposée pour la vente des biens nationaux du 3 brumaire an III (24 octobre 1794).

1er lot : plus un passage qui conduit de la dite église à la chapelle du Rosaire, ayant le dit passage 36 pieds de long (environ 11,70 m) sur 18 de large (environ 5,85 m), pavé en pierre du pays, la couverture et la voûte garnies en tuiles. Le tout estimé ensemble 4.540 livres.

2ème lot : le bâtiment formant la chapelle du Rosaire, ayant 84 pieds de long, (environ 27,30 m) sur 24 de large (environ 7,80 m), pavé en pierre du pays, les voûtes en moellons du pays, la couverture en tuiles, la charpente en partie en mauvais état.

Estimé le tout 1.800 livres, sous la réserve de laisser les bancs, stalles, boiseries, grilles de fer et généralement tout ce qui pourrait-être de l’ornement et de l’utilité lors du culte desdites paroisse et chapelle ».

Le 2 décembre 1798, lors de l’adjudication, les enchères à la bougie commencèrent. Trois chablisiens surenchérirent et le dernier feu s’est éteint sur celle de Simon Depaquit à la somme de 3.750 frs.

Simon Depaquit pouvait démolir l’église et le passage.

Comme à Chablis deux églises deviennent difficiles à entretenir, il est décidé de vendre l’église Saint-Pierre et l’église Notre-Dame du Rosaire…

Bien sûr, c’est Depaquit l’adjudicateur et il rachète St-Pierre et Notre Dame du Rosaire.

Actes d'achat d'époque de l'église Saint Pierre

Le 11 juillet 1791, Simon Depaquit, ex-moine de l’abbaye de Pontigny, achète les anciens bâtiments du « premier Petit-Pontigny »… c’est une grande propriété et il a besoin de pierres pour faire 425 m de mur d’enceinte, il démolit la totalité de Notre-Dame du Rosaire, il commence à démolir St-Pierre… Les pierres sont belles, toutes taillées, bon marché et à proximité. L’affaire est belle.

Eglise Saint-Pierre facade est

Mais l’ex-moine n’a pas le temps d’achever son œuvre destructrice. Obligé de respecter le cahier des charges, il revend le 22 mai 1801 pour 1.500 frs. à 17 vignerons du faubourg, ce qui reste aujourd’hui de l’église.

Par acte notarié du 18 avril 1808, les vignerons acquéreurs et leurs héritiers abandonnent gratuitement ce qui reste de l’église Saint-pierre à la commune de Chablis.

Daniel cheval d’après les travaux de Jean Paul Droin