Jean Rathier

Issu d’une très vieille souche de vignerons chablisiens depuis plus de cinq siècles et présente sur la scène politique pendant plus de 100 ans, Jean Antoine Rathier fut aussi connu que son père Jules Rathier, député de Tonnerre de 1871 à 1887. Jules avait fait construire la vaste demeure dans le faubourg de Chablis dans la rue qui porte aujourd’hui son nom.

Né à Chablis le 11 novembre 1859 et après de brillantes études au lycée Rollin puis à la faculté de droit, Jean Rathier fut avocat à la cour d’appel de Paris ; auditeur au Conseil d’Etat ; chef-adjoint au cabinet du ministre des Postes et Télécommunications dans les ministères Freycinet et Goblet ; chargé de mission à Berne, à Berlin pour l’étude de diverses questions postales ; délégué à Bruxelles pour la signature de la première convention téléphonique entre la France et la Belgique. Anti boulangiste, il est élu député de l’Yonne en 1889.

A son programme : Révision de la Constitution, séparation des Eglises et de l’Etat, réforme de l’impôt, maintien des droits des bouilleurs de crus…Il s’inscrit au groupe Républicain-radical, est nommé membre de la commission du budget, secrétaire de la commission des douanes.

Les questions agricoles et viticoles retiennent son attention et il défend des positions protectionnistes. Il est alors conseiller général et président de la fédération des sociétés agricoles et viticoles du Centre et de l’Est.

Sa préoccupation principale était le sort des petits propriétaires vignerons de Basse Bourgogne au milieu desquels il avait vécu.

En 1893, il est réélu député et devient secrétaire de la Chambre à l’âge de 34 ans.

La maladie le surprend et lui enlève la vie le 5 janvier 1895 à Paris à l’âge de 36 ans sans être marié.

Ses obsèques auront lieu à Chablis. Plus de 1.500 personnes dont de très nombreux députés firent le déplacement jusqu’à sa dernière demeure.

Personnages Chablis Rathier Jean député
Les courses vélocipédiques à Chablis

Les courses vélocipédiques à Chablis

A Chablis, à la fin du 19ème siècle, la fête patronale de la Saint-Pierre était très prisée. Les festivités avaient lieu le dimanche et le lundi le plus proche du jour anniversaire du saint, les derniers jours de juin ou les premiers jours de juillet. Le lundi matin était réservé à une messe célébrée exceptionnellement dans l’église Saint-Pierre et l’après-midi consacré à diverses réjouissances au Pâtis pour tous ceux qui n’avaient pas « la gueule de bois » ; la veille ayant souvent été un peu chargée… Les ouvriers vignerons avaient droit traditionnellement à un jour chômé. Cette tradition perdura jusque dans les années 1960. La remise des prix des écoles était un moment particulièrement attendu par les élèves méritants ayant droit, en plus des célèbres livres à la couverture rouge de Robinson Crusoé ou des voyages de Gulliver offerts par la Ville, à des tours gratuits de chevaux de bois, remplacés bien plus tard par les autos-tamponneuses.

L’après-midi du dimanche 2 juillet 1893 fut consacré à quatre courses vélocipédiques, (comme l’on disait alors). Elles étaient organisées par la municipalité.

Les « machines de course » : La première course était réservée aux « machines » munies de « caoutchouc pleins et creux ».  Si les premières ne craignaient pas la crevaison, on pouvait néanmoins douter d’un certain confort, le caleçon de l’époque n’amortissant pas la dureté de la selle sans ressorts de la « machine » …

Les épreuves étaient « courues sur un circuit formé de trois fractions de 600 mètres, formant triangle d’environ 600 mètres chaque fraction ».

Le parcours :  le départ avait lieu au quartier de la Maladière, au pied des vignes des Clos, près du Château Grenouille. La course commençait au carrefour de la route de Maligny,  puis empruntait à gauche la rue de l’Orme (ancienne rue des Tanneries, devenue aujourd’hui l’avenue Jean-Jaurès), longeait le pré de l’Orme (ancien terrain de camping) devenu le Parc de la Liberté. Au pont, tournait à gauche pour emprunter la chaussée Saint-Sébastien devenue par la suite l’avenue de la Maladière (l’avenue d’Oberwesel aujourd’hui), prenait à gauche pour longer la route au bas des vignes des Clos et arrivait enfin au point de départ.

Les prix attribués : Les vainqueurs se voyaient remettre plusieurs prix en argent, en bouteilles de Chablis ou de champagne et même en caisses de biscuits « Duché ».

Les lots en bouteilles de Chablis millésime 1884 prouvaient s’il le fallait encore que ce vin sélectionné vieux de neuf années était toujours reconnu pour sa longue conservation comme le précisait aux moines de Pontigny,  le seigneur le Montréal  en 1186.

courses vélocipédiques affiche 1893 Chablis

Chablis en fête

Chablis en fête

A la fin du 19ème siècle, poussés par leur maire Jules Folliot, (il fut le président du conseil général de l’Yonne), les habitants de Chablis organisaient de grandes réjouissances le jour de la fête patronale de « la Saint-Pierre ». Pendant ces quelques jours de festivités, les vignerons chablisiens oubliaient les ravages du terrible insecte, le phylloxéra qui anéantissait inexorablement depuis quatre ans déjà toutes leurs vignes…

Le dimanche après-midi, la fête battait son plein. De nombreux chars tirés par des chevaux (d’où le nom de cavalcade) étaient pompeusement décorés. Chaque association ou quartier rivalisait d’imagination, d’ingéniosité, et, c’est à qui ferait le plus beau, le plus haut, le plus remarqué.

1 siècle après la Révolution française, la cavalcade du 30 juin 1889 dépassa toutes les autres, en particulier et pour cause, le char de la tour Eiffel, réplique un peu moins haute que celle inaugurée exactement 4 mois plus tôt à Paris sur le Champ de Mars lors de l’exposition universelle. La tour chablisienne dépassait quand même les 20 mètres, un immeuble de six étages ! un seul cheval tirait l’ensemble.

Après avoir emprunté de nombreuses rues de la cité, les chars finissaient leur parcours au Pâtis où le cortège se disloquait près du jeu de paume fréquenté par de nombreux chablisiens.

En soirée, une grande fête avait lieu avec bal, illuminations et une farandole aux flambeaux  animée par les figurants de la cavalcade, revêtus de leurs costumes couronnait le tout.

Deux trains supplémentaires de nuit permettaient à tous les participants de la vallée du Serein de pouvoir faire la fête jusqu’à plus de minuit et pour ne pas « louper le tacot »,  une salve d’artillerie était tirée au Pâtis vingt minutes avant le départ de chaque train ! Malgré ces avertissements, beaucoup sans doute rentraient à pied chez eux « au p’tit jour… »

affiche cavalcade 1889 Chablis

Commentaire sur la photo de la cavalcade en 1889 :

Il n’y avait pas encore le monument aux Morts sur la place.

A l’arrière-plan, derrière les chars, à gauche, on aperçoit la maison du maire Jules Folliot, décorée de nombreux drapeaux tricolores. Au centre, on devine l’ancienne biscuiterie Mottot. On imagine la hauteur et la solidité de la tour Eiffel au nombre des personnes juchées jusqu’à 10 mètres au-dessus du sol. Elle était tirée par un seul cheval, on aperçoit les limons posés sur le sol.

Le char de la musique est au centre. On devine sur le devant du char « Les Enfants de Chablis ». On aperçoit en haut une lyre. Le char byzantin reconnaissable par ses coupoles caractéristiques est à droite. Les charretiers devaient être bien adroits pour faire passer dans les rues parfois pavées, ces imposantes décorations. Quelques années plus tard, la hauteur des chars fut revue à la baisse, les fils électriques et télégraphiques barrant le passage…

Cavalcade Place Lafayette 1889 Chablis

Un théâtre à Chablis

Un théâtre à Chablis

En 1886, la ville de Chablis effectue des travaux dans les bâtiments de l’hospice, (l’ancien Hôtel-Dieu) pour y installer un théâtre dans une grande salle occupée depuis 1874 par l’école maternelle tenue par des religieuses ursulines. Inaugurée au mois de septembre 1887, de nombreux chablisiens se souviennent encore des confortables fauteuils en velours rouge et des strapontins où l’on se pinçait les doigts !

La scène était adossée à l’ancienne chapelle dédiée à saint Jean Baptiste.

De nombreuses pièces de théâtre amateur seront jouées pendant la première et la deuxième guerre mondiale afin de récolter des fonds pour envoyer des colis aux soldats et aux prisonniers.

En fin d’année, les élèves des écoles présentaient des spectacles et cela jusque qu’à la fin des années 1970.

Un balcon appelé « le poulailler » était convoité par les jeunes chablisiens qui,  tapant sur le dessus du garde-fou garni de velours soulevait un nuage de poussière !

La salle du théâtre servait également aux répétitions et concerts de la fanfare,  aux réunions publiques souvent animées lors des campagnes électorales. On raconte que lors de l’une de ces réunions un vieux chablisien croyant bien faire avait déclaré debout à l’assemblée : « moi, j’suis siphylo » assurant ainsi être un proche du parti politique S F I O ! (devenu le parti socialiste). Suite à cet aveu, toute la salle fut pliée de rire ! C’était le bon temps des réunions électorales de l’époque dans les villages où les gens venaient plus pour rigoler que pour savoir pour qui voter !

Depuis 1985, les bâtiments appartiennent à la SCI de l’Hôtel-Dieu de Chablis  qui les loue à un restaurateur chablisien.

Théâtre Chablis programe
Théâtre Chablis programe

La fête de la Saint-Vincent autrefois à Chablis

La fête de la Saint-Vincent autrefois à Chablis

Depuis le début du 20ème siècle et jusqu’à la fin des années 70, on fêtait à Chablis saint Vincent, saint patron des vignerons, chacun de son côté. Il y avait alors « la religieuse » et la « civile ».  Chaque comité envoyant une invitation à participer à la fête célébrée du 21 au 23  janvier. Certaines « agapes » commençant la veille du jour « J » et d’autres plus traditionnelles ayant encore lieu le lendemain…

« La Religieuse »

Les confréries de Saint-Vincent, fondées sur la solidarité, l’entraide aux vignerons dans l’incapacité d’effectuer leurs travaux dans les vignes ou à la cave sont à l’origine des confréries de Saint-Vincent. Les premières apparaissent en Bourgogne au 18ème s. mais se développent surtout au 19èmesiècle.

Chablis n’échappe pas à la règle. Dès les années 1800 une confrérie voit le jour. Une fondation perpétuelle pour célébrer la fête de Saint-Vincent remplaçant la confrérie a été fondée en 1857 par 380 vignerons et habitants sympathisants. Un bureau était constitué pour son organisation. Deux messes étaient dites autrefois, le 22 janvier à la collégiale et le lendemain à l’église Saint-Pierre pour une célébration de la messe des morts à la mémoire des membres défunts de la confrérie. La bannière de la confrérie fut remise par l’ancienne confrérie à la nouvelle fondation en 1863. La vieille bannière retrouvée par M Robert Fèvre dans un grenier en 1933 fut restaurée l’année suivante par l’historien chablisien Louis Bro.

Pendant l’office, le curé bénissait le pain brioché, partagé après la communion et à la fin de la messe autour d’un verre de Chablis sur le parvis de la collégiale ou au fond de la nef, suivant les caprices du temps. Sur inscription, on pouvait commander des brioches que le curé avait bénit.  Un défilé avait lieu dans la ville accompagné par quelques musiciens. Un repas en commun était pris ensuite pour ceux qui le souhaitaient dans un restaurant chablisien. Le soir un grand bal était organisé. Cependant tous ceux qui avaient assisté à la « civile » étaient « mis à la porte » nous rapporte le registre des délibérations et de la comptabilité tenue à partir de 1857 jusqu’ en 1956 où l’historien-vigneron Robert Fèvre, secrétaire de l’association depuis 1934 notait : « commander du pain béni suffisamment et bon ». Le curé avait sans doute été faire une première bénédiction de la pâte avant cuisson  chez le boulanger…

Saint-Vincent devant la collégiale Chablis
fête Saint-Vincent civile 1934

« La civile »

« La civile » a été créée au début du 20ème s. La constitution de la Société de la Libre Pensée du canton de Chablis en 1881 alimentait alors un fort courant anticlérical. La loi de la séparation des Eglises et de l’Etat promulguée en 1905 divisa les vignerons de Chablis en deux camps radicalement opposés. Pour une grande partie d’entre eux, le buste de Marianne devait remplacer la statue de Saint-Vincent lors du défilé. La fête s’adressait alors aux « citoyens vignerons et travailleurs chablisiens. » Evidemment il n’y avait pas d’office religieux.

Le comité élisait chaque année un nouveau président. Deux jeunes vignerons parcouraient les rues avec sur un brancard un petit sapin décoré aux couleurs de la République et le buste de Marianne rappelait le symbole républicain.

Tous les participants se retrouvaient devant le domicile du président qui prononçait un discours souvent folklorique …puis invitait tous les participants « à boire un coup » dans sa cave, ou sur des tables installées au bord de la rue. Ce vin d’honneur était accompagné par les fameux biscuits « Duché ». La fanfare accompagnait cette troupe joyeuse. Tous ceux qui en avaient les moyens se retrouvaient ensuite pour aller « gueultonner » dans l’un des cafés-restaurants sélectionnés à tour de rôle. Le soir un bal clôturait la journée qui se terminait souvent en bagarre les esprits s’étant quelque peu échauffés !

Le lendemain, une tradition consistait pour les jeunes vignerons à « courir la poule ». Souvent déguisés, tapant sur un tambour, soufflant dans un clairon, faisant peur aux gamins, ils parcouraient les rues avec un « manequin », (une grande corbeille profonde en osier) remplie de branches le laurier et donnaient, moyennant quelques petites pièces, un bouquet de laurier décoré d’une rose en papier crépon à la cuisinière de la maison. Avec la somme récoltée les jeunes allaient ensuite faire la fête dans les bistrots.

Depuis la création en 1966, par Me Sotty de la Saint-Vincent Tournante du Chablisien, la  « civile » n’existe plus et la « religieuse »  devenue  la « locale »  a bien du mal à rassembler les fidèles, préférant sans doute celle rassemblant maintenant les vingt villages du chablisien.  

Dans la tourmente révolutionnaire la rue Saint-Vincent située entre la rue des Juifs et la rue Rampont-Léchin fut débaptisée en rue Marat. Grâce au comité de la Saint-Vincent « locale », elle a repris son ancien nom en 1984.